Avant de commencer à travailler dans le secteur, le handicap se limitait, pour moi, aux personnes ayant une déficience visible : c’étaient des personnes totalement étrangères que je croisais sur des lieux publics, avec qui je n’avais rien en commun et dont il m’était difficile d’imaginer un quelconque rapprochement. Je n’arrivais pas à concevoir comment était leur vie, à part le fait qu’elles devaient être guidées par la souffrance. Il y a 10 ans, j’ai trouvé un emploi au sein d’une atelier d’arts graphiques pour personnes en situation de handicap. Je n’avais aucune formation dans le domaine médico-social et le secret médical m’empéchait d’avoir des informations sur les personnes avec lesquelles j’allais travailler. La direction m’encourageait à y aller avec le bon sens et l’instinct pour éviter toute stigmatisation. J’ai alors découvert les coulisses d’un autre monde qui petit à petit s’est rapproché du mien et m’a fait éliminer un bon nombre de préjugés.
Parmis les personnes que j’ai côtoyées et qui m’ont permis de changer d’attitude, je mentionnerais un jeune homme de 25 ans d’origine portugaise, avec un handicap physique et cognitif et qui, de par sa difficulté d’élocution et ses spasmes faciaux, avait une façon de parler qui ressemblait à celle d’un enfant de 5 ans. En voyant son interaction avec ses éducateurs, je me suis mis à lui parler en portugais, en mode enfantin et sur un ton de rigolade. Je croyais ainsi lui offrir des moments de complicité et de décontraction. Ce n’est que quelques années plus tard que je me suis rendu compte que ce jeune homme pouvait raisonner, avoir des goûts et des opinions de son âge et les exprimer, moyennant un peu de soutien. Depuis, notre relation à évolué et j’essaie d’être plus vigilant dans mon attitude vis-à-vis de toute personne présentant des signes de handicap.
Dans notre atelier je côtoie essentiellement des jeunes avec un handicap invisible (troubles autistiques et cognitifs de différents degrés). Une de mes principales difficultés reste de ne pas projeter ma quête de sens (de la vie) sur eux. Je questionne l’utilité de former des jeunes qui ne pourront jamais intégrer le marché du travail. Mais quand je ressens leur joie et leur fierté lorsqu’elles ont senti un progrès ou lorsqu’elles ont réussi à finir un exercice, je me dis que le bonheur est accessible à tout·es, mais par des sources très diverses et selon des contextes très variables.
FORMES DE HANDICAP
De personnes considérées impures ou victimes de malédiction divine durant l’antiquité, jusqu’à l’apparition des premières lois de protection et de reconnaissance à partir du XIXème siècle, en passant par la création de lieux d’enfermement et d’exclusion à la Renaissance1, le concept de handicap aura toujours suscité beaucoup d’émotion et de débat, vu le miroir qu’il constitue pour la société. A considérer l’étendue du sujet, il sera question de se concentrer sur une catégorie spécifique de handicap, à savoir les troubles psychiques et/ou cognitifs et de décrire les principaux symptômes.
Selon le CASF : « Constitue un handicap (…), toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidante »4.
Les formes de handicap sont répertoriées comme suit : handicap physique, sensoriel, mental et cognitif. En plus de ces différents catégories, il existe une dernière différentiation qui va favoriser notre compréhension, à savoir la notion de handicap visible et invisible. Par handicap invisible, on entend une déficience qui limite les interactions sociales d’un individu mais que son entourage est incapable de saisir ou de comprendre à première vue. Ces personnes échappent certes à la stigmatisation directe dont font souvent l’objet les personnes souffrant d’un handicap visible, mais en contrepartie elles éprouvent des grandes souffrances lorsqu’elles s’épuisent à essayer de compenser leur handicap tout en voyant leur entourage les prendre pour des personnes fainéantes, distraites ou désintéressées 5.
Parmi les diverses formes de handicap invisibles, le trouble psychique ou cognitif est celui des lésions cérébrales (traumas crâniens, AVC etc.), les TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec/ou sans hyperactivité), le syndrome d’Asperger, et « les dys » (dyspraxie, dyslexie, dyscalculie) : il constitue le trait dominant dans le groupe de jeunes qui intègre l’atelier de graphisme ou je travaille à Genève. Il s’agit de 6 individus entre 17 et 30 ans ayant eu chacun un passage difficile par le système scolaire. Voici quelques difficultés concrètes repérées et qui sont indiscutablement liés à leur handicap : arrivée tardive systématique – maintien de leur veste ou pull à l’intérieur, même lorsqu’il fait chaud – endormissement périodique devant l’écran d’ordinateur – troubles de concentration pour la réalisation d’une tâche spécifique – obsession pour le détail – besoin d’isolement aux heures de pause – besoin de faire plusieurs choses à la fois – incapacité à s’exprimer de façon claire – culture générale trés limitée – recours aux mensonges – besoin de critiquer toute nouveauté (faits ou personnes) – conviction d’en savoir plus que les autres – difficulté à écrire et à prendre des notes.[4] Code de l’action sociale et des familles: Article L114 ↩[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Handicap_invisible