Comme expliqué précédemment à travers le handicap ou l’âge, l’affirmation positive de soi permet d’améliorer la perception que les autres ont de nous, elle améliore notre confiance et ainsi nos facultés d’apprentissage (mais aussi d’enseignement) dans un cadre sécurisant. Ce sont donc ces perceptions de soi, de nos compétences et du regard des autres sur nous-mêmes qui influencent et déterminent notre posture. S’il est vrai que c’est une réalité universelle, cela est d’autant plus pertinent lorsqu’il s’agit d’une dynamique de groupe dans un cadre de formation.
Dans mon cas, en tant que citoyen suisse, mâle, blanc, urbain, cisgenre, francophone né à Genève, je projette une identité certainement majoritaire de ce qui représente une norme sociale en vigueur ici au 21e siècle occidental – ainsi que toutes ses conséquences collatérales. Pourtant j’en étais absolument pas conscient jusqu’à ce que je revienne en Suisse en tant que jeune adulte après une enfance passée essen- tiellement à l’étranger dans des zones de conflits, notamment en Amérique latine et en Afrique : malgré les apparences, j’étais en réalité un Suisse étranger dans sa ville natale et les conséquences sur ma faculté d’adaptation et d’apprentissage ont été majeures. J’ai dû tout réapprendre, des codes sociaux, à la façon de m’exprimer en français. Suisse à l’étranger, étranger en Suisse, le dilemme identitaire était particulier car je ne me sentais appartenir nulle part. J’ai découvert alors que l’identité pouvait être meurtrière si elle était exclusive et j’ai aussi réalisé que l’on pouvait cumuler différentes identités car « l’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence » 7. Ces identités n’existent pas en vase clos et ensemble, dans une intersectionnalité, elles influent sur les expériences indi- viduelles, notamment en matière de discrimination. J’ai dû alors « m’hélvétiser » en apprivoisant un éventail de sensibilités afin de me construire sans devoir raboter, masquer, expliquer, excuser ou justifier qui j’étais.
DIVERSITÉ(S) ET DISCRIMINATIONS
Une intégration efficace des minorités au processus de formation reste un facteur essentiel de la qualité de l’enseignement ainsi que, plus généralement, de la dynamique de groupe afin d’éviter toute indifférence ou exclusion. On peut ainsi constater une interdépendence entre ces notions : la diversité a besoin d’une culture inclusive pour porter ses fruits et la culture inclusive demeure une condition préalable pour que la diversité porte ses fruits. Dans cette partie, nous mettons l’accent sur deux catégories souvent malmenées : le genre et la culture.
La diversité de genre8 est un terme générique utilisé pour décrire les identités de genre qui démontrent une diversité d’expression au-delà du cadre binaire (femme/homme) : pour de nombreuses personnes ayant une identité de genre différente, la binairité rest contraignante, il s’agit de présenter au monde quelque chose de plus authentique, qu’elles se considèrent comme ayant un genre différent ou pas de genre du tout. Il est important de rappeler que de nombreuses cultures à travers l’histoire ont reconnu la diversité des genres au-delà du masculin et du féminin. Aujourd’hui, internet a fourni une plateforme où les gens peuvent explorer leurs expériences communes en matière de diversité de genre et une grande partie du langage utilisé pour décrire ces expériences est encore en évolution. Il y a souvent des malentendus qui font état de l’existence de centaines de genres, chacun ayant des règles, un langage et des pronoms uniques. En bref :
- La diversité des genres consiste à reconnaître et à respecter le fait qu’il existe de nombreuses façons de s’identifier en dehors du schéma classique homme/femme. Elle ne consiste pas à rechercher l’attention ou à recevoir un traitement spécial, mais à être authentique.
- Il n’est pas nécessaire de maîtriser toute la panoplie de genre existants, ce qui est fondamental, c’est de respecter les différentes expressions de genre et les choix de vie individuels : l’utilisation de noms et pronoms corrects pour les personnes de genre différent, ainsi qu’un langage neutre sont des attentes raisonnables qui peuvent faire une grande différence.
La diversité culturelle renvoie, selon la définition de l’UNESCO9, à la « multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression » qui se transmettent au sein et entre les groupes sociaux. Plus largement c’est un terme qui englobe les croyances, les traditions, les valeurs, les normes, les comportements et qui peut être compris comme une « façon d’être », notamment celle de groupes minoritaires, méritant une reconnaissance particulière au sein d’une culture dominante. La pertinence de la diversité culturelle peut se mesurer sur deux axes :
- Reconnaître qu’il existe une grande variété de cultures dignes de respect, dont toutes les expressions sont valables, équivalentes et complémentaires.
- Valoriser ce que les diverses cultures ont à apporter en ne se contentant pas de les tolérer, mais en donnant à ses représentant·es la possibilité de contribuer et de célébrer leurs différences.
L’enseignement de la diversité consiste donc à reconnaître et acceuillir toute une série de nuances identitaires afin de transformer notre façon de penser, d’enseigner, d’apprendre et d’interagir, de sorte que toutes les expériences et expressions identitaires soient traitées avec équité et justice. Lorsqu’il s’agit de favoriser une culture inclusive, modifier les valeurs par défaut peut parfois s’avérer un outil puissant pour conduire le changement. Par exemple, si une formation hybride/modale est définie comme étant la norme qui s’ap- plique à tous les apprenant·es, elle cesse d’être un problème essentiellement lié aux mères qui travaillent et qui, jusqu’alors, étaient limitées pour des raisons d’horaires. Ces stratégies visent à faire en sorte que tous les apprenant·es se sentent soutenu·es de manière à pouvoir apprendre librement de nouveaux concepts, à se sentir en sécurité pour exprimer leurs opinions de manière civilisée, et à se sentir respecté·es en tant qu’individus. Et ainsi permettre à chacun·e de renforcer sa dignité et son sens d’appartenance à la communauté des apprenant·es.
[7] Amin Maalouf, «Les Identités meurtrières» (1998)
[8] Cairn Info: Vers une gestion de la diversité des genres. Une approche par le sentiment identitaire.
[9] Article 4.1 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles